Une idée du collectif

Dans notre monde marqué par des crises multiples, le discours ambiant est saturé d’alarmes et de prophéties sombres. Les experts et spécialistes ne cessent...

ARTICLE - COLLECTIF

12/22/20244 min read

Dans notre monde marqué par des crises multiples, le discours ambiant est saturé d’alarmes et de prophéties sombres. Les experts et spécialistes ne cessent d’insister sur l’effondrement inéluctable et imminent. Ce récit apocalyptique, martelé avec une régularité presque hypnotique, ne laisse que peu de place à l’espoir. Pourtant, loin des plateaux télévisés et des tribunes savantes, au fil de mes entretiens un autre écho se fait entendre. Dans les propos de ces personnes, émerge, en même temps que la peur ou l’inquiétude, un autre regard. Naïveté, inconscience ou espoir, ils perçoivent des pistes dans le collectif, dans l’entraide et dans l’action commune. Il y aurait, à les entendre, des raisons de croire en un avenir viable. Ces éléments porteurs d’espoir marquent une rupture avec un système qui, trop souvent, pèse sur les épaules de l’individu.

Leurs pistes

Les premières pistes évoquant l’idée de collectif sont celles liées à des formes de solidarité. Quand des personnes expliquent, par exemple, que « si les choses deviennent aussi dures qu’on nous l’annonce, on aura besoin d’aide », c’est bien pour souligner la capacité des individus et des communautés à s'entraider est amplifiée en temps de crise. C’est cette même idée du collectif qui s’exprime dans l’évocation de réseaux d'entraide ou de soutien, afin de surmonter les obstacles ensemble. C’est aussi elle que je retrouve lorsque ces personnes laissent entendre qu’elles apprécieraient que chacun puisse être plus engagé dans les processus de décision, les initiatives locales ou les mouvements globaux pour le changement. Elles traduisent là, un souci de mobilisation citoyenne. J’entends, en outre des allusions à davantage d’actions communes entre populations et institutions.

Quant aux ressources culturelles et spirituelles, elles reviennent souvent dans le discours, car elles apparaissent le plus souvent comme celles qui peuvent fournir une source d'énergie morale et de cohésion collective. Enfin, je retrouve dans le discours de ces personnes l’espoir et la vision partagée d’un avenir meilleur, comme une sorte d’optimisme collectif. C’est un peu comme si la projection dans un avenir plus prometteur permettait de se rassurer, même lorsque les défis paraissent insurmontables.

En fait, ces personnes montrent combien les moments de crise comme ceux qui se multiplient aujourd’hui, rappellent l'importance des valeurs collectives par rapport aux intérêts individuels. Ce sens d’appartenance et de responsabilité partagée renforce les liens sociaux. Ainsi, ces forces combinées semblent bien permettre de surmonter les crises

Cependant, le collectif tel qu'il ressort dans ces discours se pose aussi dans une temporalité longue puisque ces personnes, convoquent constamment le passé et l'avenir. Mes interlocuteurs rappellent ainsi que nous n'existons pas par nous-mêmes, mais par rapport à nos ancêtres et successeurs. Leur collectif se construit à travers un héritage reçu et transmis.

L’intérêt du collectif à travers le discours

Chez ces personnes le collectif joue un rôle important dans un contexte de crises multiples comme celui d’aujourd’hui. A les écouter, il serait indispensable pour répondre efficacement à des défis qui dépassent les capacités individuelles puisqu'il permet de mutualiser ressources, compétences et idées.

Elles rappellent combien le collectif assure une coordination des efforts à toutes les échelles (locale, nationale, internationale). Le filet de sécurité qu'il offre réduit la vulnérabilité des individus puisqu’il permet de partager de diluer les chocs dont des individus pourraient avoir du mal à se remettre. Ce qui émerge de la mise en commun des savoirs, des compétences et des perspectives, est bien plus puissant que celle d’un individu seul qui, lors des épreuves, est sujet à l’inquiétude ou au découragement. Le collectif tel que ces personnes le perçoivent, réduit les risques de fragmentation sociale et joue un rôle vital en offrant un soutien moral et émotionnel. Le simple fait de savoir que l’on n’est pas seul dans l’épreuve renforce la motivation à continuer de lutter.

Ces personnes ont conscience que le modèle individualiste, avec son accent sur la compétition et la réussite personnelle, tend à créer des sociétés fragmentées, marquées par des inégalités croissantes et un isolement psychologique. Là où l’accent excessif sur l’individualisme a entraîné une montée de la solitude et du stress, le collectif qui s'exprime dans leur discours, offre un espace où les individus seraient valorisés non pas pour ce qu’ils accomplissent seuls, mais pour leur contribution au bien commun.

Ainsi, l’idée du collectif, dans un contexte où nos sociétés sont largement structurées autour de l’individu et de l’individualisme, apporte une réponse alternative et complémentaire à des limites qui sont devenues de plus en plus apparentes face aux crises actuelles. Elle rappelle les interdépendances et met en lumière l'idée que nos actions individuelles ont des répercussions qui peuvent être gérées à travers une approche solidaire.

Au final, l’omniprésence de la notion de collectif dans le discours des personnes que j'interroge traduit son importance à leurs yeux. Leur vision du collectif  ne cherche pas à effacer l’individu, mais à rééquilibrer le rapport entre l’individuel et le collectif. Elle rappelle que les grandes avancées humaines reposent toujours sur une coopération et une interdépendance profondes. Elle réaffirme que nous reposons sur notre capacité à faire société. Dans nos sociétés centrées sur l’individualisme, cette idée réintroduit la notion de communauté, de responsabilité partagée et de solidarité comme conditions essentielles.