Notre habitat face au changement climatique

Les images diffusées sur les événements météorologiques, climatiques et sur leurs effets, interrogent spécialistes ou non, partout dans le monde. Les personnes que...

ARTICLE - CLIMAT

9/8/20247 min read

Les images diffusées sur les événements météorologiques, climatiques et sur leurs effets, interrogent spécialistes ou non, partout dans le monde. Les personnes que j’entends ou que je croise, elles aussi, se posent des questions. Elles voient comment elles-mêmes ou leurs proches sont concernés. Elles ont une préoccupation commune: comment se prémunir ou se protéger des colères de la nature ? Néanmoins, ce que l’on voit, autant pour ces exigences climatiques, que pour les migrations et autres questions sociales, est qu’elles induisent une transformation de notre perception de nos espaces et modes de vie, de notre notion de l’habitat et probablement de bien d’autres choses encore.

Des bouleversements à l’horizon ?

Pour apporter des réponses à tous ces questionnements, chercheurs et spécialistes ont exploré les moyens d'adapter les manières d'habiter aux contraintes climatiques et météorologiques actuelles. Leurs travaux et propositions couvrent un large éventail de disciplines, allant de l'architecture et l'urbanisme à l'écologie et la sociologie. Ils offrent diverses perspectives pour adapter les habitats aux contraintes climatiques, allant de la construction bioclimatique et écologique à l'architecture modulaire, en passant par l'intégration de la nature dans les environnements urbains, à la participation des habitants dans la conception des espaces de vie ou aux efforts pour la réduction du CO2…

Ces propositions élargissent la réflexion sur la manière dont nos habitats peuvent s'adapter aux contraintes climatiques, tout en intégrant des innovations technologiques, écologiques, et sociales. Elles mettent en avant l'importance de la durabilité, de la résilience, et de l'intégration avec l'environnement naturel, tout en explorant des solutions parfois radicales, mais nécessaires, face aux défis actuels. Elles montrent aussi que nos façons de construire, d'habiter, de vivre sont amenées à être modifiées.

En effet, c’est très probablement notre conception même de l'habitat qui est remise en question. Aujourd’hui encore, pour une majorité d’entre nous, "habiter" est perçu comme le fait d’être installé dans un lieu. Pour nous, habiter un lieu, c'est s’y établir, y séjourner, y prendre ses repères et ses habitudes, se l’approprier. Souvenons-nous qu’avoir, habiter, habitude viennent tous les trois du latin habere. "Habiter" un lieu est encore associé à une l’idée d’un lieu fixe (maison, territoire…)

Cependant, dans un contexte de crises environnementales, de changements climatiques et de transformations sociétales, cette vision pourrait bien continuer d’évoluer puisque ces visions, propositions et questions induisent l’idée de modes de vie qui, tout en étant ancrés à un lieu géographique fixe, pourraient être flexibles, évolutifs, et capables de s'adapter aux changements. Cela dépasse la simple idée de mobilité géographique pour inclure la flexibilité dans la manière dont chacun occupe et utilise les espaces de vie. Cela pourrait inclure ou des habitats modulaires qui s'adaptent aux saisons, aux besoins et aux changements environnementaux ou envisager une acceptation plus large de la temporalité où l'on habite des lieux de manière temporaire ou saisonnière, en accord avec les cycles naturels…

Quoi qu’il en soit, ce qui se dessine pourrait bien transformer nos manières de "vivre", car tous ces changements remettent en question nos liens sociaux, structures familiales, espaces communautaires, environnements de travail… ces dynamiques incluent, au-delà des aspects matériels, une dimension culturelle, puisque les concepts traditionnels de propriété, de foyer, et de communauté seraient amenés à changer puisqu’il s’agit de s’adapter.

Conclusion

En résumé, alors qu’aujourd’hui nos habitats et modes de vie sont souvent rigides, centrés sur des structures fixes et des routines prédéfinies, les questions climatiques qui se posent aujourd’hui pourrait bien remettre en question nos manières de vivre autant que nos conceptions de ville, de village, nation, d’espace. Habiter pourrait également inclure une relation dynamique avec l’espace, en comprenant comment l'environnement nous façonne et comment nous pouvons, en retour, le préserver et l'enrichir, mais tout cela est surtout la suite d’un processus où les espaces de vie et les pratiques associées sont toujours en transformation.

Dans la Caraïbe

La Guadeloupe, et plus largement, la région Caraïbe sont concernées par ces questions climatiques. Les personnes qui m’y ont parlé se demandent, par exemple, comment elles feront en cas de mauvais temps. Elles se posent des questions sur la violence, de la mer, du vent, des rivières... Parmi les principaux défis climatiques qui concernent la Caraïbe, on compte les ouragans et les tempêtes tropicales dont la fréquence et l'intensité accrues causent des destructions importantes. Ceux-ci dévastent habitations, routes, écoles et les hôpitaux, ce qui complique la reprise après les catastrophes.

De plus, l’élévation du niveau de la mer, entraîne des inondations des zones côtières qui abritent en grande partie des populations des îles caribéennes. Les sécheresses, pour leur part, devenues plus fréquentes affectent l'agriculture locale et la disponibilité de l'eau douce.(note) Certaines îles font face à des sécheresses prolongées (1), compromettant l'approvisionnement en eau potable ainsi que les récoltes. Il faut aussi savoir que l'acidification des océans endommage les récifs coralliens, vitaux pour la pêche, le tourisme, et la protection des côtes contre l'érosion.

En réalité, les conditions climatiques extrêmes, comme les sécheresses ou les tempêtes, affectent les récoltes, menaçant la sécurité alimentaire. Cependant, de manière plus globale, ce qui se déroule sur le plan climatique perturbe les écosystèmes terrestres et marins, entraînant la perte d'espèces végétales et animales, menaçant la biodiversité unique de la région. On n’oublie pas non plus que les coûts liés à la reconstruction après les catastrophes, la protection des côtes, et l'adaptation aux nouvelles conditions climatiques sont élevés, et pèse lourdement sur les économies locales.

Situations et interrogations

Dans ce contexte, les personnes qui me parlent se posent de nombreuses questions sur le devenir de leur lieu de vie. Elles s’expriment par exemple en ces termes: « ma maison résistera-t-elle au prochain ouragan ? », « le quartier où je vis a connu plusieurs inondations, qu’est-ce qu’il se passera la prochaine fois? » Ce sont ces mêmes problématiques qui ressortent dans des remarques telles que « le muret que j’ai fait mettre ne sert pas à grand chose. Je perds un petit bout sur mon terrain à chaque forte pluie ». Ce sont aussi elle qui sont présentes dans des phrases comme « autrefois je jouais au foot sur cette plage avec mes amis, maintenant le rivage est tout près. »

D’autres personnes font part des dilemmes auxquels elles sont confrontées tels que : comment continuer d’habiter leur maison sans subir les effets des débordements rivière à chaque mauvais temps, puisque nombre d’entre elles, attachées à leur espace et leurs habitudes disent « non je ne pars pas». On entend aussi « qu’allons face aux tempêtes et aux ouragans de plus en plus fréquents et violents ? » Les préoccupations sont souvent aussi d’ordre sécuritaire :« ma maison est située dans une zone à risque de glissement de terrain, je ne suis pas tranquille» ou « ma maison est-elle suffisamment sécurisée contre les ouragans et les tempêtes ? » Elles peuvent être d’ordre financier comme « après la tempête Irma, il a fallu refaire la toiture, si ça se reproduit, aurai-je les moyens d’entreprendre de lourds travaux? » Elles portent parfois aussi sur des questions de subsistance:« Il y a une fois où les pluies ont noyé toutes mes pastèques, c’est dur», « pourrai-je continuer à cultiver mes terres si les périodes de sécheresse deviennent plus fréquentes et plus longues ? » Ce que j’entends pose aussi des questions matérielles souvent dans l’urgence comme «c’est la saison cyclonique, il faut que je refasse ma réserve d’eau, de conserves »…

Tous ces propos reflètent les préoccupations profondes et variées des habitants de la Caraïbe, en première ligne face aux impacts du changement climatique. Ce qui est le plus fréquemment mis en lumière, c’est le sentiment d’incertitude face à la fragilité ou à l’urgence des situations.

Ces personnes se posent ainsi des questions concrètes sur leur avenir, leur sécurité, leur vie quotidienne. Ces questions montrent l'inquiétude des habitants de la Caraïbe face à un avenir incertain. Elles soulignent également le besoin de stratégies d'adaptation, de soutien communautaire et de planification à long terme pour faire face aux impacts croissants du climat.

(1) - Changements climatiques : la Caraïbe enregistre une sécheresse et des records de chaleur aquatique:

https://la1ere.francetvinfo.fr/martinique/changements-climatiques-la-caraibe-enregistre-une-secheresse-et-des-records-de-chaleur-aquatique-1418990.html

- Chaud et sec : La Grenade, une île des Caraïbes, est confrontée à la sécheresse aux vagues de chaleur et aux incendies.

https://www.ifrc.org/fr/article/hot-and-dry-small-caribbean-island-nation-grenada-struggles-drought-heatwaves-and-fire

- Les raisons de la crise dans les Caraïbes https://www.guadeloupe.franceantilles.fr/actualite/social/les-raisons-de-la-crise-dans-les-caraibes-987479.php

Tempête Ernesto (août 2024), Rivière-Sens (Gourbeyre, Guadeloupe)/ Woulé

Tempête Ernesto (août 2024), Rivière-des-Pères (Basse-Terre, Guadeloupe)/ Woulé