Le covid, un changement dans nos vies ?
En s’étendant à l’ensemble de la planète, le covid 19 a semé sur son passage mort, chagrin, sidération. Il a fait trembler nos certitudes
ARTICLE - COVID
7/20/202411 min read


En s’étendant à l’ensemble de la planète, le Covid 19 a semé sur son passage mort, chagrin, sidération. Il a fait trembler nos certitudes, nous a rappelé, à nous humains, nos limites, nos fragilités. Il nous a aussi fait prendre conscience des risques sanitaires à l’échelle internationale. Ceux-ci, inhérents au vivant, ont toujours été présents et nous nous doutions bien qu’ils se multipliaient avec l’augmentation des échanges internationaux. Cependant, nous avons perdu en 2020 notre insouciance par rapport à ces questions. La pandémie a accru notre sensibilité aux questions de risque sanitaire, elle nous a rendu sceptiques. Elle a changé nos comportements individuels et impacté notre mental. Pour autant, nous ne sommes pas plus prêts qu’avant 2020. Pourquoi ? Est ce seulement à cause d’un manque d’information, de politique ou de mesures ou d’infrastructures ? Ne faudrait-il pas aussi s’intéresser à nos comportements sociaux et à nos bonnes vieilles habitudes ?
Une sensibilité accrue aux risques sanitaires
La pandémie de Covid 19 nous a conduits à une attention aux maladies infectieuses, une adoption généralisée des mesures de prévention, une meilleure éducation sanitaire. Elle a sensibilisé la population mondiale aux risques liés aux maladies infectieuses. Nous avons aujourd’hui une plus grande compréhension des vecteurs de transmission et des moyens de les prévenir. Nous avons appris, par exemple, que les maladies peuvent se propager par des gouttelettes respiratoires, des surfaces contaminées ou de l'air. Les mesures de prévention comme le port du masque, la distanciation sociale, et le lavage fréquent des mains sont devenus des pratiques courantes. Nous avons pris conscience de l'importance de ces mesures pour limiter la propagation des maladies. Nous savons l'importance de l'isolement des personnes infectées et de la quarantaine pour ceux qui ont été en contact avec des malades. Ces mesures sont désormais mieux acceptées et comprises comme essentielles pour contenir une épidémie. Nous avons appris et adopté des comportements tels que se couvrir la bouche et le nez avec le coude ou un mouchoir lorsque nous toussons ou éternuons, afin de réduire la propagation des germes.
Au passage, cette maladie aura même modifié notre vocabulaire. A force d’écouter les experts, nous nous sommes approprié leur vocabulaire et nous sommes retrouvés à employer des termes que nous n’avions jamais entendus. Dans les rencontres en famille ou entre amis, on employait autant de termes que dans un colloque scientifique. Avant la pandémie, des termes comme "pandémie", "virus", "contagion" ou "immunité collective" étaient principalement utilisés par les professionnels de la santé. Désormais, ces termes sont couramment utilisés par le grand public.
Un scepticisme envers les autorités et les experts
Pendant la pandémie, ces experts en santé publique, ces épidémiologistes et autres scientifiques sont devenus des figures médiatiques régulières. Leurs explications et recommandations ont été largement diffusées, ce qui a renforcé leur crédibilité et leur visibilité. Dans de nombreux pays, les experts qui ont fourni des informations claires, transparentes et basé sur des faits ont gagné la confiance du public.
Cependant, des messages contradictoires provenant de différentes sources, y compris des gouvernements et des agences de santé, ont semé la confusion. Les changements fréquents de recommandations sur des aspects tels que le port du masque ou les confinements ont contribué à la méfiance. Dans certains cas, les gouvernements ont été critiqués pour leur gestion de la crise, qu'il s'agisse de retards dans la réponse initiale, de pénuries d'équipements de protection individuelle, ou de défaillances dans les systèmes de dépistage et de traçage. Ces moments ont alimenté le scepticisme envers les capacités des autorités à gérer de telles crises. La politisation des mesures de santé publique, comme les confinements et les campagnes de vaccination, a elle aussi contribué à la méfiance. Lorsque les décisions de santé publique ont été perçues comme motivées par des considérations politiques plutôt que scientifiques, la confiance du public en a pâtie. Des fausses informations sur les origines du virus, des informations contradictoires sur l'efficacité des traitements, et les vaccins ont circulé largement, alimentant, eux aussi, le scepticisme.
Une évolution des comportements individuels
Nos comportements individuels, en matière de santé et de prévention, ont eux aussi ont changé. Avant la pandémie, le port de masques était rare en dehors de certains pays asiatiques. Le port de masques, la distanciation sociale, et la désinfection des mains sont devenus des pratiques courantes. Désormais, le port de masques dans les lieux publics, en particulier dans les environnements clos, a été largement accepté et parfois exigé, et même après la levée des mandats, beaucoup de personnes ont continué à porter des masques, surtout en cas de symptômes respiratoires ou en présence de personnes vulnérables. Pour l’hygiène des mains, des distributeurs de désinfectants sont installés dans de nombreux lieux publics, tels que les magasins, les bureaux, et les transports en commun. Nous avons appris à nous couvrir la bouche et le nez avec notre coude ou un mouchoir lorsque nous toussons ou éternuons, et à jeter immédiatement les mouchoirs usagés. Cette pratique était devenue une norme sociale pour réduire la propagation des germes.
Le télétravail, autrefois une exception, est devenu une norme pour de nombreuses professions. Les entreprises ont adopté des politiques de travail à domicile et de travail hybride, offrant plus de flexibilité aux employés et réduisant les déplacements quotidiens. Les interactions sociales se sont déplacées vers des plateformes virtuelles et les outils de vidéoconférence ont permis de maintenir les liens sociaux.
L’impact psychologique et sociétal
Un autre type de changement est à prendre en compte, car il explique en grande partie, le retour aux comportements d’avant 2020. En effet, la pandémie, elle-même, mais aussi toutes ces mesures et changements n’ont pas été sans effet sur le mental de bon nombre d’entre nous, augmentant l'anxiété et le stress liés à la santé. Les confinements et les restrictions ont affecté la santé mentale de nombreuses personnes, mettant en lumière l'importance de la santé mentale comme composante clé de la santé publique. L'incertitude, la peur de la maladie, les pertes économiques et l'isolement social ont conduit à une augmentation des cas d'anxiété et de dépression. Cette maladie a aussi conduit à un stress lié au travail et à la vie personnelle : le télétravail, les fermetures d'écoles et la nécessité de jongler entre les responsabilités professionnelles et familiales ont accentué le stress chez de nombreuses personnes. Les frontières floues entre la vie professionnelle et personnelle ont également contribué à cette pression accrue. Par ailleurs, la perte de proches à cause de la maladie, souvent sans possibilité de les voir ou d'organiser des funérailles traditionnelles, a laissé de nombreuses personnes dans un état de deuil et de traumatisme profond. Les mesures de confinement et les restrictions de déplacement ont réduit les interactions sociales, conduisant à un sentiment accru de solitude. La distance physique nécessaire pour éviter la propagation du virus a impacté les relations interpersonnelles. Les personnes vivant seules, les personnes âgées, les jeunes, les enfants et les populations vulnérables ont été particulièrement affectées.
N’oublions pas les conséquences économiques et financières. De nombreux gouvernements ont mis en place des mesures de soutien économique, telles que des aides financières, des subventions pour les entreprises et des programmes de protection de l'emploi. La pandémie a provoqué des pertes massives d'emplois et a plongé de nombreuses personnes dans une situation économique précaire. Les secteurs du tourisme, de l'hôtellerie et de la restauration ont été particulièrement touché. Les entreprises ont dû s'adapter rapidement pour survivre, en adoptant des modèles de commerce en ligne, en diversifiant leurs offres et en mettant en place des protocoles de sécurité pour protéger leurs employés et clients. Ces mesures ont été cruciales pour atténuer les impacts économiques de la pandémie. Cette dernière a pourtant révélé et accentué les inégalités socio-économiques existantes. Les personnes issues de milieux défavorisés ont souvent été les plus touchées par les pertes d'emploi, les difficultés d'accès aux soins de santé et les risques accrus de contamination.
Chassez le naturel…
La pandémie de Covid 19 a radicalement transformé nos modes de vie et nos comportements sociaux. Nos pratiques d'hygiène personnelle, nos habitudes de travail, interactions sociales et comportements en matière de santé ont du s'adapter aux nouvelles réalités imposées par la crise sanitaire. Toutefois, certaines de ces transformations, bien que nécessaires et adoptées massivement, semblent se sont estompées avec la fin des confinements et le retour à une certaine normalité.
On peut considérer qu’il convient d’éduquer de sensibiliser le public, de renforcer les collaborations intersectorielles, de mener des campagnes de communication, d’investir dans la recherche et le développement de nouvelles technologies… pour parvenir à une gestion proactive des risques sanitaires et une réponse rapide aux crises sanitaires. Ce serait sans compter nos bonnes vieilles habitudes, car les raisons pour lesquelles elles ont été abandonnées, pourraient se trouver dans une combinaison de perceptions de risque, de motivation, de force des habitudes, de pressions sociales, de facteurs environnementaux et de fatigue psychologique.
Notre perception du risque
La perception du risque joue un rôle déterminant dans la manière dont nous réagissons aux menaces sanitaires, comme la pandémie de covid, et influence la durabilité des comportements préventifs adoptés. En effet, lorsque la menace immédiate a disparu et que les taux d'infection ont diminué, nous avons perçu le risque comme étant moins important. Cette diminution de la perception du danger a entraîné un relâchement des mesures de précaution. Ainsi, nous tendons aussi à oublier les moments de crise ou à minimiser leur gravité une fois que la situation s'améliore et cela conduit, de la même manière, à une diminution de la vigilance et à l'abandon des comportements protecteurs. De plus, certains d’entre nous ont développé un optimisme, croyant qu'ils ne seront pas affectés par de futures menaces sanitaires. Ce sentiment a été présent chez ceux qui n'ont pas été directement touchés par la maladie ou ont connu des symptômes légers.
N’oublions pas non plus que les comportements adoptés par obligation ou pression externe étaient moins susceptibles d'être maintenus une fois que la menace immédiate avait diminué ou que les restrictions étaient levées. Par exemple, le port du masque a été strictement suivi en période de crise, mais rapidement abandonné par la suite. La motivation pour adopter des comportements protecteurs a souvent été dictée par des facteurs externes tels que la peur de contracter la maladie, la pression sociale, ou les réglementations gouvernementales.
De manière générale, les comportements sont maintenus à long terme, lorsqu’ils sont intégrés dans nos valeurs et dans nos convictions personnelles. Ceux qui ont développé une compréhension profonde de l'importance du lavage des mains pour protéger non seulement eux-mêmes, mais aussi les autres ont continué à le faire. C’est en cela que l’on peut dire que la perception du risque joue un rôle important dans la durabilité des comportements sains.
Habitudes et inertie dans nos comportements
Les habitudes et l'inertie comportementale jouent un rôle crucial dans la difficulté de maintenir des changements comportementaux sur le long terme. Ces deux aspects expliquent pourquoi, même après avoir adopté de nouvelles habitudes en réponse à une crise sanitaire, nous revenons à nos anciens comportements une fois la menace immédiate passée.
En effet, nos habitudes et rituels (manières de se saluer, routines de nettoyage, habitudes alimentaires…) sont profondément enracinés dans notre éducation. Elles sont des comportements répétitifs qui deviennent automatiques avec le temps. Une fois qu'un comportement est devenu une habitude, il est exécuté avec peu de réflexion consciente et les nouvelles habitudes adoptées en réponse à une crise peuvent être rapidement abandonnées dès que la situation s'améliore. Nous retombons alors dans nos anciennes routines, sauf quand les nouvelles sont simples à intégrer dans nos habitudes quotidiennes en étant accessibles, par exemple. Avoir du gel hydroalcoolique à portée de main facilite notre lavage des mains régulier. Les habitudes sont donc des forces puissantes qui influencent notre capacité des individus à maintenir des changements de comportement à long terme.
Facteurs sociaux et culturels
Les facteurs sociaux et culturels, eux aussi, ont impacté la manière dont nous avons adopté, maintenu ou abandonné les nouveaux comportements de santé. Nous sommes tous fortement influencés par les comportements et les attentes de nos proches. Si la majorité de ceux-ci adopte un certain comportement, les autres sont susceptibles de suivre pour se conformer et éviter la dissonance sociale.
Nos valeurs et croyances aussi influencent la perception de ce qui est considéré comme un comportement sain ou acceptable. Par exemple, notre perception de la convivialité de la proximité physique a parfois compliqué la mise en œuvre de mesures de distanciation sociale. Dans certaines cultures asiatiques, le port du masque est une norme sociale bien établie en raison de l'expérience passée avec des épidémies comme le SRAS. Cette norme culturelle facilite l'acceptation et le maintien de cette pratique. En revanche, dans d'autres cultures où le port du masque n'était pas courant avant la pandémie, l'adoption a été plus difficile et souvent perçue comme une contrainte. Il en est de même pour la distanciation sociale. Elle a été plus facile à adopter dans des sociétés où l'individualisme et le respect de l'espace personnel sont valorisés. Dans des cultures où la proximité et les interactions sociales étroites sont la norme, la distanciation sociale a rencontré plus de résistance et a été plus difficile à maintenir. C’est en ce sens que les facteurs sociaux et culturels ont un impact majeur sur l'adoption et le maintien des comportements de santé.
Les facteurs environnementaux et contextuels
Ceux-ci jouent un rôle déterminant dans l'adoption et le maintien des comportements de santé. Ces facteurs peuvent faciliter ou entraver les efforts individuels pour maintenir des habitudes saines sur le long terme. Ils incluent les ressources nécessaires pour maintenir certains comportements de santé, comme les masques, les désinfectants pour les mains, et les tests de dépistage, peuvent devenir moins accessibles une fois que la menace perçue diminue.
Les inégalités dans l'accès aux ressources de santé peuvent rendre difficile le maintien des comportements sains, notamment pour les populations défavorisées. Par exemple, dans certaines régions, les équipements de protection individuelle ou les installations pour le lavage des mains peuvent ne pas être facilement disponibles. L'aménagement des espaces de vie et de travail peut influencer notre capacité à adopter des comportements sains. Les bureaux partagés ou les logements surpeuplés peuvent rendre la distanciation sociale difficile.
Sur le plan des politiques, on dira que lorsque les politiques de santé publique et les restrictions sont assouplies ou levées, nous avons tendance à percevoir ces changements comme un signal que les comportements préventifs ne sont plus nécessaires. De même que l'absence de directives claires et cohérentes de la part des autorités de santé peut créer de la confusion et réduire la compliance aux comportements de santé.
Fatigue et adaptation psychologique
En réalité, la persistance des comportements de prévention, même après la diminution de la menace immédiate, peut entraîner une usure mentale et émotionnelle. On a aussi employé le terme de "fatigue pandémique" pour décrire l'épuisement mental et émotionnel résultant de l'application continue des mesures de prévention comme le port du masque, la distanciation sociale, et l'hygiène rigoureuse des mains. Cet épuisement peut mener à une baisse de la vigilance et de la motivation pour maintenir ces comportements. Les actions répétitives et monotones nécessaires pour respecter les mesures de prévention peuvent devenir lassantes, augmentant le désir de retour à la "normale" et réduisant ainsi la compliance.
De plus, lorsque nous avons l’impression que nos efforts individuels ont peu d'impact sur la situation globale, nous les réduisons. De même que les messages contradictoires des autorités de santé et des médias peuvent semer la confusion et la frustration, voire diminuer notre confiance et nos efforts. À mesure que nous nous habituons à vivre avec la menace sanitaire, nous sommes certes plus au fait de ces questions, mais nous en venons à la voir comme une partie normale de la vie et devenons moins vigilants. C’est ainsi que l'enthousiasme initial pour les campagnes de vaccination a diminué avec le temps. Des personnes se sont lassés des vaccins en raison de la fréquence des rappels et de la complexité des messages sur leur nécessité.
En somme, oui le Covid a bouleversé nos vies, nous a rendus vigilants, parfois même méfiants à l’égard des autres. Cependant, la lassitude, nos habitudes et le quotidien nous ont rattrapés et nous ne sommes pas plus prêts qu’avant 2020. Il en sera peut-être ainsi... jusqu’au prochain épisode.
